La mascotte de la Biennale du Mali : Sens, signe et signification

Publié le par Escargot.fr & Hameau-aux-escargots.com

Article paru sur le site maliweb.net

 

L'une des contributions majeures du département chargé de l'organisation de la Biennale est d'avoir doté cet évènement d'une mascotte matérialisant son esprit.

Objet- porte bonheur de la grande fête de notre jeunesse, cette mascotte incarne l'escargot des champs, le " kotè ". Elle personnalise la vérité artistique de la Biennale, un regroupement qui doit jouir de la parole libérée.

mascote002.jpgLe mot et son extension
Ce mot bamanan est à l'origine du " kotèba " ou le grand escargot. Par extension, il désigne le théâtre de l'autodérision, créé par l'ethnie bamanan, un théâtre comique, traditionnel et populaire. Ce genre de jeu est organisé par tout où les Bamanan ont élu domicile (Jitumu, Bélédugu, Banimonotjè, Ségou) et ailleurs en Afrique et dans le monde. Il vise un objectif : sur le fèrè, laver le linge sale, dans le rire. Amadou Ampaté Ba disait que " l'Afrique possède une grande richesse que les autres ont perdue. Une richesse qu'elle devra sauvegarder, si elle désire rester elle-même : la vertu du rire ". Le rire thérapeutique. Le rire qui guérit.

La mascotte semble dire que tant le Mali saura rire de lui-même, il pourra, par son humour, résoudre tous les problèmes, quelque soit leurs complexités.

Le vocable et ses connotations
Le mot Kotèba est polyphonique. Il a une signification principale et des connotations. Kotèba signifie escargot grand. " kotè " " ba ". La structure organique de ce colimaçon comporte des spirales qui vont d'un point à l'infini. C'est l'image de la sociologie de la société malienne où les groupes socioprofessionnels et les classes d'âges constituent des cercles concentriques qui se suivent. C'est quand le colimaçon est transformé en toupie et que les jeunes la font tourner sur elle-même qu'apparait le sens profond du Kotèba. Elle symbolise alors la société globale en rotation, en mutation du sommet à la base. Tous, en mouvements contribuent à l'essor de la communauté dans son ensemble. Les cercles concentriques sociaux qui évoquent les spirales de l'escargot sont représentés dans la danse inaugurale du Kotèba ou Kotè-mugu. Le premier cercle constitué d'instrumentalistes, reflète les artisans. Le second, composé de cantatrices évoque les artistes. Le troisième fait d'enfants symbolise le rôle de la jeunesse sur tous les plans en société. Le quatrième, formé des femmes, dégage l'impact de celles-ci. Le cinquième, celui des hommes souligne les implications de ceux-ci. Et le cercle fusionnel, formé du grand public, témoigne de la contribution de tout un chacun.

Les connotations diverses

Par Kotèba, nous entendons le spectacle du Kotèbali ou du pouvoir tout dire. Aucun thème n'est tabou dans ce genre de jeu si la forme y est respectée. Les comédiens et le public peuvent exposer leurs points de vue sur les problèmes à débattre. Le Kotèba ne se contente pas de présenter un thème. Il incite à la réflexion collective autour du thème et procède à une évaluation pendant le jeu en vue d'un suivi. La prise de la parole au cours du spectacle est conditionnée par l'appartenance des intervenants au Kotè ou l'organisation sociale communautaire comprenant toutes ses composantes, la reconnaissance des droits et des devoirs de tous. Il n'y a pas d'identification, mais la distanciation. Il n'y a pas non plus de fatalité, mais la cause.
En résumé, le Kotèba suit une évolution. De l'escargot des champs il va à l'organisation communautaire, en passant par les jeux dramatiques liés à cette communauté et les statuts de ses sociétaires. Chacun est à portée de la critique, selon la démocratie bamanan, où la parole est un bien public

Techniques d'expression et types de thèmes du Kotèba


Lorsqu'une pièce de Kotèba vise comme objectif l'analyse psychologique d'un personnage : typique par un trait, elle intervient en comédie de caractère.

Si par contre elle peint les mœurs d'une classe sociale ou d'une époque, son style relève de la comédie des mœurs. En reflétant la complexité des situations et l'alternance des procédés, elle aborde la comédie d'intrigue. Il arrive que le répertoire du Kotèba comporte soit la comédie romanesque par l'imbrication d'un évènement de gravité différente ou soit la farce pastorale en peignant des scènes d'idylles de ruraux. Et quelque soit le genre, le Kotèba fait de la satire des mœurs, du temps, celle des personnalités et des classes sociales en puisant ses thèmes et ses effets dans la mémoire collective, on dans la tradition. Les thèmes du Kotèba sont infinis et se caractérisent par une certaine signification qui se résume comme suit :

Le Koteko. C'est la fête annuelle villageoise après les récoltes. Elle est un cadre privilégié pour débattre sur scène de tous les problèmes fondamentaux de la société. Des comédiens professionnels recensent les difficultés d'ordre économique et socio-culturel qui affectent la bonne marche de la communauté. Ainsi que les travers et les tares, les aspirations et les soucis qui persistent.
Le traitement du thème, et l'évaluation par le dialogue se font entre le public et les kotéden.

Le contrôle des tâches revient toujours aux Kotèden.
Le Konyo muso Kotè. Il vise à éduquer la fiancée en vue de sa nouvelle vie au foyer conjugal. Il se donne pendant la période de passage de classe d'âge. Plusieurs mariages ont lieu à ce moment et font ainsi l'objet des spectacles du Konyomuso Kotè.

Le Kelénya Kotè prêche la réconciliation lors des situations conflictuelles entre familles. Après étude des causes des discordes, les Kotèden créent des œuvres de fiction où les protagonistes trouvent chacun son compte. L'entente se fait suivre après écoute des deux parties qui ne désirent plus compliquer leurs rapports dès que la communauté intervient pour l'harmonie et la concorde.

Le Kasara Kotè. Il se joue lors des obsèques en vue de renforcer le moral : de la famille du défunt et ses amis.
Quelques épisodes de la vie du disparu sont mis en scène, des altitudes burlesques, typiques, son tempérament habituel et ses moments de grandes émotions. Ces spectacles dérident les fronts et rendent la mort acceptable. Car comme le veut la dialectique des Bamanan , " tout ce qui se tient debout se couchera un jour ". Seul le souvenir reste. C'est l'une des raisons qui exige la bonne conduite dans la société qui se découvre dans l'esprit d'entraide et de composition.

Farinyan Kotè : il est dédié à la bravoure et couvre de ridicule les gens qui ne peuvent se ressaisir dans des situations insolites. Le Kotèba reflète toutes les fluctuations de la vie communautaire. Former affinée de sensibilisation et de mobilisation des masses laborieuses, il colle toujours à la réalité qu'il ne quitte d'un pas. Quelque soit son domaine d'intervention, le Kotèba, par ses procédés et ses techniques, son système de jeu-forum, reste toujours opérationnel. S'il passe par le rire pour atteindre son objectif, ce rire n'est pas gratuit. Il est d'ailleurs souvent amer et parfois jaune. Un rire vitriolique ou d'eau de javel décrassant. C'est pourquoi au Mali, le Kotèba est plus craint que la prison de la grande ville.
Cette étude comparative entre le jeu traditionnel et populaire des Bamanan et les spectacles de la Biennale vise à rapprocher leurs caractères ludiques et éducatifs. Elle tient surtout à souligner le rôle fondamental de la vérité artistique dans la critique sociale. Celle-ci ne doit pas être légère et gratuite, mais profonde et animée d'intentions constructives, d'émotions venant du cœur, de l'âme et de l'esprit.

La mascotte de la Biennale, à ce titre se veut une symbolique de haut niveau vers laquelle les productions artistiques et culturelles doivent aspirer pour refléter fidèlement les rêves et les espoirs de l'ensemble de nos laborieuses populations. Au nom de notre communauté de destin.
Pr. Gaoussou DIAWARA

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